Une nouvelle qui en reprend une autre :
"Au fond du jardin", texte déformé sur Wordpress. J'ai formulé l'accusation, sans véritable preuve, que ces déformations servaient peut-être à
attribuer certains de mes textes et de mes images à d'autres. Voici un
texte découvert sur Twitter/ X qui confirme mes soupçons: https://twitter.com/Chouny111/status/1710850344152891699
L'histoire
d'une parution : Je relie cet article, je publie. J'ai un problème avec
mon ordinateur portable. Je passe sur mon téléphone, le texte est
altéré. Je décide de travailler sur l'ordinateur familial. Je me
connecte à nouveau, et là, ô surprise, le texte est restauré. J'essaie de publier la mise à jour et obtient le message: échec de la mise à jour.
Interlude Bizarreries&co
Ô messager, la nuit, comme une averse d'orage frappe
Le jour comme une averse d'orage éclatant élance-toi
En-me-er-kar, poème sumérien, extrait
L’été a rendu l’âme. Je
jette un coup d’œil par la fenêtre, à la frange d’arbres et
aux branches nues qui hachent l’horizon. Depuis quelques jours le
ciel a viré au blanc. Posé sur le rebord de ma table de chevet un
souvenir d'enfance m'observe, la tête d'une poupée dont le regard bleu
et impassible me force à me rappeler: tes mots en anglais, nos
lettres échangées par mails.
2012 : Nous parlions du
calendrier maya, de Sumer, de la fin du monde. On nous promettait le
déluge raconté dans les
mythes sumériens. Et puis, comme une blague, le monde a continué de
tourner.
Tourne et tourne encore.
J'ai fini par t'écrire un
mail fébrile où je laissais entendre qu'une histoire d'amour sur
internet est ridicule. Tu as simplement répondu que tu voulais me
rencontrer.
Nous nous sommes aimés dans
un langage secret, sacré, un langage saccagé.
Je
me rappelle les bons
moments quand tu me racontais tes aventures de môme. Tu avais
grandi dans une famille un peu hippie parmi les bois de l'Oregon. Tu aimais
faire la cuisine et je goûtais aux recettes américaines. Nous
plaisantions désormais de 2012 et du déluge.
Puis j'examine les vilains
détails: les disputes, les chamailleries. Je me souviens de nos mots
butés.
"I can't stand it anymore", concluais-tu à chaque fois.
J'avais voulu te montrer le
jardin de mon enfance, t'emmener respirer l'odeur du tilleul et de la
menthe, ne trouvant rien de mieux à faire que de te décrire les
mauvais gestes de ma mère, le désamour de mon père, le harcèlement
que j'avais enduré à l'école. J'avais retrouvé ma poupée, celle
dont j'avais sauvagement arraché la tête, à peine le jouet offert.
Je t'avais déjà un peu parlé
des maltraitances que j'avais subi enfant, mais cette vielle baraque
laissait remonter trop de mauvais souvenirs. J'ai compris que tu
n'avais pas envie de t’encombrer de mes fragilités. Je l'ai vu
dans ton regard, à ton mutisme. Nos lettres avaient cédé la place à
une histoire trop lourde. L'après-midi, nous fermions les
volets pour empêcher à la chaleur de rentrer. Nous évoluions dans
une pénombre silencieuse.
Depuis mon lit ,j'étends le
bras, effleure la joue de la poupée. Le plastique a grisonné avec
le temps. J'ai peut-être un ami ou deux qui voudraient prendre de
mes nouvelles. Pourtant rien ne se passe. De temps en temps je parle
à la tête et elle me répond.
Je décide de lui raconter la
nuit où Marc m'a fait peur.
Nous attendions la fraicheur
de l'orage.
La
nuit était tombée mais l'air était encore tiède. Il embaumait la
menthe. Au fond du jardin, j'avais cru discerner une ombre.
" Marc,
c'est toi?"
Pas
de réponse. Rien. Seulement le crissement des grillons. Mes yeux me
jouaient des tour. Je m'en allais tourner le dos quand j'ai perçu un mouvement, comme un remous de l'air tiède et immobile.
" Réponds s'il te plait."
Il
me suffisait d'aligner quelques pas pour rejoindre le tilleul et
vérifier par moi-même. Mais, soudain, j'avais peur. Je voulais que
tu répondes. Un éclair a illuminé le lointain. Dix seconde plus tard, un
faible grondement s'est fait entendre. D'un
coup, le vent s'est levé.
" Marc,
rentre. L'orage approche."
Les
grillons s'étaient tu. Le silence était maintenant totale. Une
silhouette s'est détachée de celle du tilleul, massive et lente.
"Marc?"
Trop
massive.
"Réponds,
tu me files les chocottes..."
Trop
lente.
À
nouveau, un flash. Cette fois, j'ai seulement eu le
temps de compter jusqu'à six avant le grondement. Une goutte d'eau tiède
s'est écrasée sur mon bras, suivie d'une seconde.
La masse a vacillé dans l'obscurité.
"C'est toi? Réponds, s'il te plait."
"That's
me, that's Marc."
J'ai
poussé un soupir de soulagement et t'ai rejoint au pied du tilleul.
J'allais me jeter dans tes bras quand tu as fait un pas en arrière
pour m'éviter.
Notre
été, notre summer, venait d'être englouti par le déluge d'une
pluie d'orage.
- Le monde n'en a pas moins continué de tourner, commente la tête.
- Si je ne lui en
avais pas tant voulu, ce soir-là, peut-être serions-nous encore
ensemble...
À force de regarder les
hachures sur le ciel blanc, je suis prise de nausées. Je suis en
arrêt maladie pour cause de dépression et je me sens incapable
d'affronter le moindre problème.
-Tu interprètes trop, dit la
tête. "I Can't stand it anymore ", combien de fois te l'a t-il répété ?
-Il avait tout quitté pour
moi, les États-Unis, son travail...
-Tourne et tourne encore,
insiste-le bout de plastique.
Par Anna Mindszenti-y
Ouanani Coquelicot pour Bizarreries & Co
Pour en savoir plus sur le poème d'En-me-er-kar: https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1957_num_151_2_8697#
modifié, en cours de re--rédaction